Frères d’Alexandre Jardin, Albin Michel

 Après le Zèbre ou Fanfan, Alexandre Jardin s’est détourné peu à peu des fictions pour se “perdre” dans les méandres sulfureux des romans dédiés à sa “folle famille” , des romans qu’on peut qualifier d’autobiographiques si l’on se fie à la sincérité de l’auteur.  

C’est ainsi qu’il décide de nous parler tour à tour, de son père  avec Le Zubial, puis de sa famille hors normes avec Le Roman des Jardin, puis de son grand-père dans son roman à l’eau de Vichy intitulé Des gens très bien et enfin de sa mère Stéphane dans Ma mère avait raison. Et dans la famille Jardin, il manquait  “le plus atypique et déconcertant des Jardin”, son frère Emmanuel. 
« Pendant longtemps j’avais besoin de ne pas écrire ce livre parce que je ne savais pas comment penser mon frère, souligne Alexandre Jardin d’entrée de jeu. C’est très compliqué d’écrire un livre sur quelqu'un qu’on n’arrive pas à penser. Puis au bout d’un moment, j’ai fini par comprendre qu’on n’a pas besoin de comprendre quelqu'un pour l’aimer”

Ce roman est un hommage à ce frère fantasque, libre, immature, qui osait tout, jusqu'à posséder la dernière compagne de feu leur père, ce frère qui lui avait avoué un jour comme une vérité incontestable, qu’il n’était jamais né. Comme si son passage sur terre, n’était qu’une ébauche du grand poète qu’il aurait pu devenir, s’il ne s’était pas suicidé un jour d’octobre 1993.

C’est le 11 octobre 1993 qu’Emmanuel décide de quitter cette terre à laquelle il n’était pas adapté, cette vie qui n’était pas la sienne, cet avenir dans lequel  il ne se sentait pas impliqué. Il se  tire une balle dans la bouche, dans le jardin  face à la fenêtre de la chambre de sa mère, 
Terrassé en apprenant le suicide de son demi-frère, accablé par une culpabilité étouffante; Alexandre Jardin va abandonner ce douloureux événement dans l’ombre de sa conscience. 
“J’avais déjà 27 ans et je ne l’ai pas protégé alors qu’il traversait une crise très grave. Je n’aurais jamais dû le faire sortir de cet hôpital psychiatrique, comme ça, sans accompagnement sérieux. Je ne dis pas que ça aurait marché, je dis juste que je n’ai pas fait ce que j’aurais dû faire. Je l’ai payé extrêmement cher et plus jamais je ne protégerai pas ceux que j’aime, même s’il faut prendre des responsabilités très lourdes. Parce que face au suicide, rien ne dit que dans un autre contexte la personne passera à l’acte. »

Pendant 30 ans, il va être  hanté par cette idée, cette culpabilité qui le ronge secrètement. Et puis, une rencontre, celle de sa dernière compagne va lui donner la force d’affronter ses démons 
“Et ça, c’est venu avec ma compagne canadienne, qui a profondément modifié mon rapport avec la vie. Elle m’a fait bouger sur plein de choses très fondamentales, et elle m’a donné une sécurité d’amour que je ne connaissais pas. Sans cette sécurité, je crois que je ne me serais pas aventuré dans un texte comme ça.Frères est un livre d’une autre nature que les précédents il correspond à un changement radical, à un rapport aux émotions qui n’est plus du tout le même”

 

 C’est un récit qui m’a profondément touchée, émue, fait réfléchir sur les actes et leurs intentions, sur le rôle que nous avons  dans la vie de ceux que nous aimons. Il rend ainsi hommage à son plus jeune frère, le bien né des Jardin, Frédéric Jardin à qui la vie sourit et dont il est si fier.

Un récit qui ne ressemble à aucun autre d’Alexandre Jardin, un roman écrit avec le cœur saignant, un aveu, un hymne à l’amour. 


Citations
La vérité s'opère à cœur ouvert, et sans anesthésie.

Mon existence mal étayée a rayonné, la sienne reste un soleil offusqué. Il a carabiné son désespoir, j'ai tNos absents méritent notre sollicitude et de poursuivre le récit de leur être. Ce n'est pas parce que l'on comprend que dalle à une âme que l'on doit s'interdire de l'aimer.

Alors je t'élève cette sépulture de papier, Emmanuel. Chez nous, on ne s'aménage un repos éternel que dans un livre. Nos véritables caveaux sont nos bibliothèques.

 

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