L'ancien calendrier d'un amour de Andreï Makine, Editions Grasset Et Fasquelle

 

  Résumé.

C’est en cherchant la trace d’un poète russe que le narrateur échoue dans un cimetière de Nice où sont enterrés des Russes Blancs ayant fui leur pays au moment de la Révolution Russe. C’est dans le jardin du cimetière, face à la mer, qu’il aperçoit un homme seul, assis sur un banc. Ce vieil homme  l’intrigue ;  celui-ci ne se fera pas prier pour lui raconter sa vie, ses souvenirs d’un « vieillard égaré dans le crépuscule des années ».     
Né en 1898, Valdas Bataeff se remémore sa "drôle" de vie, depuis ce mois d'août 1913, alors qu’il passe des vacances paisibles dans la grande villa familiale en Crimée aux abords de la mer noire. non loin du Tsar Nicolas II et de Raspoutine, tous deux en villégiature. 

 C’est au cours d’une promenade nocturne sur la plage, qu’il surprendra le trafic de contrebandiers de tabac. Ce jour sera marqué à jamais dans sa mémoire parce que c'est ce jour-là qu'il va rencontrer Taïa, jeune femme liée aux trafiquants. Premiers émois amoureux pour ce jeune adolescent, premiers pas dans sa vie d'adulte dans un pays qui se meurt, dans une histoire qui s'efface petit à petit, puisque inscrit dans l'ancien calendrier de la Russie Impériale. 

Ce que j'en pense :

 Valdas nous apparaît comme la dernière image d’un monde révolu.  Valdas, c'est le symbole de la  Mélancolie  d’un pays qui n'est plus, de femmes aimées qui ont jalonné sa vie et qui ne sont plus. Ce vieil homme semble avoir tout connu, les affres des guerres, la cruauté et la fourberie des hommes, l’exil, le danger mais il est toujours resté un cœur amoureux, c'est peut-être ce qui l'a sauvé !

Andreï Makine raconte avec brio la vie peu ordinaire  d’un homme ordinaire, l'un des derniers témoins  d’une histoire qui se dilue dans le temps. 

Il fallait tout l’art et le génie de cet auteur franco-russe pour inscrire dans ce (trop) court récit, le destin et de la Russie et de la France dans la mémoire d’un seul homme, avec pour leitmotiv,  Taïa son premier amour de l’ancien calendrier*.
 
C’est assurément à un beau voyage que nous invite Andreï Makine, un voyage dans le temps et dans l’histoire porté par une sublime écriture. 


*( Peu après la révolution d'Octobre, par décret du 25 janvier 1918 , Lénine décréta le passage au calendrier grégorien de la Russie restée fidèle au calendrier julien durant toute la période tsariste : le lendemain du mercredi 31 janvier 1918 fut le jeudi 14 février 1918 )
 
 
 
 
Sa vie, son oeuvre

Andreï Makine, né en Sibérie en 1957, apprend le français dès le plus jeune âge grâce à une vieille dame française qui s’est occupée de lui toute sa jeunesse. Brillant élève et  boursier, il rédige une thèse de doctorat sur la littérature française à l’Université de Moscou. C’est en 1987 qu’il accepte un poste d’assistant de russe dans un lycée parisien en France, où il restera clandestinement. On dit que son œuvre est polyphonique tant sa culture russe et l’amour de la littérature française  se mêlent pour le plus grand plaisir de ses lecteurs passionnés dont je fais partie depuis ses premiers romans. Il  a publié une douzaine de romans traduits dans plus de quarante langues, parmi lesquels Le Testament français(prix Goncourt et prix Médicis 1995), La Musique d’une vie (éd. Seuil, 2001), et, plus récemment, Une femme aimée (Seuil). Il a été élu à l’Académie française en 2016.

 A part de rares apparitions dans les émissions littéraires, il reste souvent à l’écart du monde  médiatique. Il est dernièrement sorti  de sa réserve pour parler de la guerre d’Ukraine, avec beaucoup d’émotion, lui qui exprime à travers ses romans un désir cosmopolite d’une Europe des lettres, de la culture et de la paix.  
il dénonce une guerre fratricide entre Russes et Ukrainiens, «Pour arrêter cette guerre, il faut comprendre les antécédents qui l’ont rendue possible»

Extraits 

Ne dites jamais avec reproche : ce n'est plus !
Mais dites toujours, avec gratitude : ce fut.
Une sagesse qui console mais ne révèle pas le sens du mystérieux « ce fut » de nos parcours terrestres.

- La pauvreté des premiers mois, en Serbie puis en France, ne fit qu'exacerber le désir de mettre fin à la survie de cet émigré dans l'indifférence des grandes villes. A Paris, le nombre de ponts, le froid et la faim rendaient au suicide son attirance de douce panacée des vaincus. Mais il n'avait pas le droit de se tuer car sa part la plus précieuse appartenait à Taïa. Dans leur ancien calendrier, elle l'attendrait tant qu'il aurait la force de vivre, avec le souvenir du champ des derniers épis

- Il crut comprendre le sens de ce qui lui avait été donné à vivre depuis son départ de Russie : sa misère, son travail de chauffeur-confident, un semblant de vie familiale qu'il espérait construire... Et, plus tard, cette nouvelle guerre, telle une triste moquerie adressée à celui qui pensait enfin avoir acquis son petit confort bourgeois. Tout devenait clair : il n'avait été véritablement vivant que pendant ces quelques jours lumineux de l'automne 1920. Dans le "champ des derniers épis".


Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont donné le plaisir de lire ce magnifique roman et savourer à nouveau la belle écriture d’Andreï Makine. 

#Lanciencalendrierdunamour #NetGalleyFrance !

Commentaires

  1. Une très belle analyse pour un roman qui m'a également plu. J'aurais voulu lire votre article avant de me plonger dans ce roman, beaucoup trop concis comme vous le précisez. À bientôt pour de nouveaux partages et merci. Olivier

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  2. Ça me donne envie de le lire c'est tout ce que j'aime Merci ! Domik

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